BORGIA : Des Machiavel de cour d’école
Classification : 1 étoile.
Regardé par le rédacteur : deux premières saisons.
Au XVe siècle, le pontificat de Rodrigo Borgia, élu pape sous le nom d’Alexandre VI, fut tellement entaché de cruauté, de perversions et de prévarications qu’il est aujourd’hui considéré comme un antipape. Ses enfants, Juan, Cesare et Lucrezia, dont il favorisa l’avancement de mille manières toutes plus scandaleuses les unes que les autres, n’eurent rien à lui envier.
Pourquoi se méfier de Borgia ?
Le Vatican, cœur des intrigues mondiales
Nous sommes en 1492. Au cœur de l’ordre mondial, le Vatican arbitre les conflits entre royaumes et empires, conférant au pape un pouvoir presque sans limite. Pas étonnant que le Saint-Siège attise les convoitises. C’est donc au plus rusé, au plus assoiffé de puissance, au plus machiavélique des cardinaux que revient le trône de saint Pierre. À la mort du pape Innocent VIII, Rodrigo Borgia, à qui la papauté a déjà échappé plusieurs fois, est enfin élu à l’issue d’un conclave épique au cours duquel il soudoie plusieurs de ses collègues. Sous le nom d’Alexandre VI, il aurait pu devenir un nouveau Thomas Becket qui, après avoir été ordonné archevêque de Cantorbéry, abandonna sa vie de débauche et se comporta en saint, au grand dam de son ami le roi Henri II. Mais même si le désir de Rodrigo Borgia de réformer l’Église fut réel, ses actions ne furent pas tout à fait en adéquation avec ses promesses.

Canal + voulait ses Tudors
C’est après avoir découvert Les Tudors, en 2008, que Rodolphe Belmer, directeur général de Canal +, se tourne vers Takis Candilis, producteur, et qu’ensemble ils développent l’idée de Borgia. Ils sonnent à la porte de Tom Fontana, génial scénariste et producteur de trois séries majeures de la télévision américaine (St. Elsewhere, Homicide : Life on the Street et bien entendu Oz), qui, passionné par la famille Borgia, accepte de diriger le projet.
Porno chic à deux francs
Dans sa première saison, Borgia apparaît relativement sage en regard de séries telles que Les Tudors ou Rome. On peut même parler de retenue notamment dans les scènes de tortures et d’exécutions capitales dont la caméra se détourne presque pudiquement. Il n’en va pas de même dans la saison 2 où les scènes de cruauté abondent (Cesare fait enterrer vivant un de ses ennemis après avoir empli son cercueil « de merde et de pisse ») et dont la majorité des épisodes commence par une sodomie. Tout cela est frais et charmant ! Avec son esthétique de porno chic à deux francs, Borgia se transforme en un empilement nauséabond qui soulève le cœur.
Intensité irrégulière
Le scénario souffre de longueurs d’autant plus malvenues qu’elles alternent avec des séquences remarquables comme toutes celles décrivant le conclave destiné à trouver un successeur au pape Innocent VIII (troisième et quatrième épisodes). On aurait aimé que cette intensité persiste tout du long. Au fil des épisodes, les machinations deviennent de plus en plus prévisibles et les invraisemblances se multiplient au prétexte qu’il faut choquer le bourgeois. Vers la fin de la deuxième saison, quand le très susceptible Cesare entre dans un théâtre où des comédiens le pastichent, on devine immédiatement qu’il va lâcher sur eux les deux molosses qui l’accompagnent. Que pourrait faire d’autre ces pauvres bêtes d’autant plus qu’on ne l’avait jamais vu s’intéresser à un chien jusqu’ici ? Dès lors, ces chiens ne le quitteront plus et il les lancera sur tous ceux qui lui déplaisent. Grotesque.

Triangle des Bermudes
Les acteurs eux-mêmes semblent atterrés par ce qu’on leur demande de faire. Les scènes où John Doman (Alexandre VI) simule les crises de délire du pape et celles où Mark Ryder (Cesare) se vautre totalement nu sur le trône de son père sont consternantes. Quant à Isolda Dychauk, elle est hystérique en Lucrezia et ce n’est pas la voix française dont on l’a affublée qui arrange les choses. Aller chercher de grands scénaristes américains comme Tom Fontana ou René Balcer (pour Jo, avec Jean Reno, sur TF1) pour tenter de dynamiser nos fictions locales n’est pas une mauvaise idée. Mais il doit bien se produire quelque diablerie pour qu’en traversant l’Atlantique ils perdent tout de leur talent créatif. La France, triangle des Bermudes du savoir-faire de l’Oncle Sam ?
Christophe Petit
Mise en ligne : mercredi 22 janvier 2014 / Révision : vendredi 1er août 2014
Petites histoires de la télévision
Alors que les préparatifs autour de Borgia battent leur plein du côté de Canal +, la chaîne américaine Showtime annonce qu’elle a engagé Michael Hirst pour écrire une série intitulée The Borgias. Ce scénariste, capable du meilleur (Elizabeth avec Cate Blanchett) comme du pire (Camelot, vu sur Canal +), est l’auteur de tous les épisodes des géniaux Tudors pour Showtime. Dans les couloirs de la chaîne cryptée, c’est la stupeur ! La fusion des deux projets est un temps envisagée et Tom Fontana rencontre même Michael Hirst. Mais Showtime fait marche arrière et poursuit seule son projet qui met en scène Jeremy Irons dans le rôle de Rodrigo Borgia. Les Français ne s’avouent pas vaincus et, eu égard aux sommes colossales déjà investies, décident de produire tout de même leur version. The Borgias, diffusée au printemps 2011 sur Showtime, est toutefois achetée par Canal + dans l’optique d’en bloquer les droits et d’empêcher une chaîne française autre qu’une de ses filiales de la diffuser. C’est en l’occurrence sur TPS Star qu’atterriront The Borgias, mais uniquement la première saison que D8 reprogramme à l’été 2013. Elle prévoit de lancer la saison 2 inédite dans la foulée mais de mauvaises audiences la poussent à la déprogrammer.
La série (presque) éponyme, avec Jeremy Irons
Si aucune chaîne américaine, hormis la plateforme VOD Netflix, ne se porte acquéreur des Borgia version Canal +, plus de cinquante pays se laissent tenter. Plusieurs versions de Borgia circulent dans le monde. La série a en effet été montée de plusieurs façons afin d’épargner aux spectateurs, selon les sensibilités locales, des séquences trop violentes ou des scènes de sexe trop explicites. Canal +, elle, diffuse la version la plus complète et les épisodes sont classés en catégories « moins 16 » ou « moins 12 ». Les DVD commercialisés en France sont quant à eux plus softs et classés en « moins 12 » seulement. La version vue par les Allemands sur la ZDF est amputée de six minutes et les deux premiers épisodes sont remontés pour atteindre une durée de 100 minutes. La version des cinq premiers épisodes que propose Netflix à destination du marché américain est quant à elle expurgée des scènes de nudité où apparaît Isolda Dychauk (Lucrezia Borgia). Il s’agit en effet de scènes qu’elle a tournées alors qu’elle était encore mineure. Mais puisqu’elle a fêté son dix-huitième anniversaire entre le tournage des 5e et 6e épisodes, les suivants ne sont pas concernés par cette censure.
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Comment regarder Borgia ?
Voir le premier épisode en priorité. Comme il s’agit d’un feuilleton, il faut voir les suivants dans l’ordre.
Y a-t-il une fin ?
La saison 3 servira de conclusion.
Temps forts et temps faibles de la série
Incontestablement, la qualité des scénarios diminue au fil des épisodes. Le jeu des acteurs, qui semblent interloqués par ce qu’on leur demande de faire, s’en ressent grandement.
Les épisodes remarquables à ne pas manquer
1re saison : les épisodes 3 et 4 (Un vœu sacré et La sagesse du Saint-Esprit) racontent par le menu les tractations entre les cardinaux réunis en conclave pour élire le nouveau pape. Passionnant.
À quel public s’adresse-t-elle ?
À cause des innombrables scènes de sexe très crues, Borgia est réservé à un public adulte. Cependant, l’absence d’ambition, la platitude des dialogues, l’outrance dans la violence et dans le mauvais goût, les raccourcis et erreurs historiques la réservent à un public peu exigeant et avide de hâblerie.
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Où voir Borgia ?
À la télé : La saison 3 est prochainement prévue sur Canal +.
DVD : Les saisons 1 et 2 sont disponibles chacune dans un coffret. Un troisième propose les deux saisons groupées. Le tout est proposé, au choix, au format DVD et au format Blu-ray.
Si vous N’avez PAS aimé, vous pouvez regarder dans le même genre : The Borgias, la série concurrente avec Jeremy Iron nettement plus réussie.
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Fiche technique de Borgia (suite)
Producteurs exécutifs : Michael Schwartz, Petr Moravec.
Producteurs : Tom Fontana, Barry Levinson, Anne Thomopoulos, Steven Bawol.
Producteurs délégués : Takis Candilis, Klaus Zimmermann, Ferdinand Dohna, Olivier Bibas.
Musique du générique : Éric Neveux.
Production : Atlantique Productions, EOS Entertainment, Canal + en association avec ETIC Films S.R.O., Les Borgia SAS, Investimages 2 SAS, ZDF, ORF, Sky Italia, Netflix.
Distribution
John Doman : Rodrigo Borgia, Alexandre VI
Mark Ryder : Cesare Borgia
Stanley Weber : Juan Borgia (saison 1)
Isolda Dychauk : Lucrezia Borgia
Marta Gastini : Giulia Farnese
Diarmuid Noyes : Alessandro Farnese
Assumpta Serna : Vannozza Catanei
Andrew Hawley : Alfonso d’Este
Art Malik : Francesc Gacet
Christian McKay : Cardinal Sforza
Scott Winters : Rafaele Riario-Sansoni
Dejan Cukic : Guiliano Della Rovere
Victor Schefé : Johann Burchard
Paul Brennen : Agapito Geraldini
Michael Fitzgerald : Oliviero Carafa
Miroslav Táborský : Gianbattista Orsini
Alejandro Albarracín : Alfonso di Calabria
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Épisodes de Borgia
Première saison (2011)
1 1.01 1492 (1492)
2 1.02 Onde de chaleur (Ondata di calore)
3 1.03 Un vœu sacré (A Sacred Vow)
4 1.04 La sagesse du Saint-Esprit (Wisdom of the Holy Spirit)
5 1.05 Les liens du mariage (The Bonds of Matrimony)
6 1.06 Légitimité (Legitimacy)
7 1.07 Manœuvres (Maneuvers)
8 1.08 Prélude à l’Apocalypse (Prelude to an Apocalypse)
9 1.09 L’invasion de Rome (The Invasion of Rome)
10 1.10 Miracles (Miracles)
11 1.11 Le monstre divin (God’s Monster)
12 1.12 L’éveil du serpent (The Serpent Rises)
Deuxième saison (2013)
13 2.01 Le temps de la tendresse (The Time of Sweet Desires)
14 2.02 Le mercredi des Cendres (Ash Wednesday)
15 2.03 Le dimanche des Rameaux (Palm Sunday)
16 2.04 Pax Vobiscum (Pax Vobiscum)
17 2.05 L’Ascension (Ascension)
18 2.06 La Pentecôte (Pentecost)
19 2.07 Le dimanche de la Trinité (The Blessed Trinity)
20 2.08 Une moralité (A Morality Play)
21 2.09 La Transfiguration (Transfiguration)
22 2.10 L’Assomption (The Assumption)
23 2.11 Les sept douleurs (The Seven Sorrows)
24 2.12 Qui est comme Dieu ? (Who Is Like God?)
Troisième saison (2015)
25 3.01
26 3.02
27 3.03
28 3.04
29 3.05
30 3.06
31 3.07
32 3.08
33 3.09
34 3.10
35 3.11
36 3.12


