BREAKING BAD : Petit manuel pour gentils qui veulent devenir méchants
Classification : 4 étoiles
Regardé par le rédacteur : Intégrale de la série.
Quand Walter White, un professeur de chimie enseignant dans un lycée, apprend qu’il souffre d’un cancer, il naît une seconde fois. Perturbé à l’idée de ne pas pouvoir régler ses soins et de laisser sa famille sans revenus, il s’associe à un petit dealer pour fabriquer et commercialiser de la méthamphétamine. Il ignore qu’il vient de mettre le doigt dans un engrenage infernal, un engrenage qu’il apprendra très vite à actionner et qui lui servira à rattraper le temps perdu au cours des cinquante premières années de sa vie.
Pourquoi regarder absolument
Breaking Bad ?
De victime à rebelle
Walter White a 50 ans, il est marié et a un fils souffrant d’une légère infirmité. Sa femme, Skyler, attend leur second enfant. Pour boucler les fins de mois, Walter travaille dans un centre de lavage pour voitures. Il y tient la caisse jusqu’au jour où son patron lui demande de prendre une éponge pour remplacer un employé absent. Quand il réalise qu’il est en train de laver le coupé d’un de ses élèves richissimes, le rouge de la honte lui monte aux joues. Mais une fois de plus, Walter ravale sa fierté, résigné. Mais c’en est trop quand son médecin lui annonce qu’il souffre d’un cancer des poumons inopérable.

Dorénavant, il ne sera plus une victime. Il va agir, il va se rebeller. En fabriquant de la drogue et, plus précisément, en synthétisant de la méthamphétamine avec l’aide d’un de ses anciens élèves, Jesse Pinkman, un petit trafiquant qui n’a aucune envie de cette association. Mais Walter est tenace à un point que Jesse, qui n’est pas au bout de ses surprises, est incapable d’imaginer. Les deux hommes s’associent.
Dérapage
Rien ne va marcher comme ils le souhaitent. Walter est un tout petit peu pathétique planté dans le désert vêtu d’un slip kangourou et d’un tablier de cuisine mais il est un chimiste hors pair et fabrique de la drogue de première qualité. Jusque-là pas vraiment à sa place dans la société ni dans ce nouvel univers du trafic de narcotiques, le nouveau Walter ne veut plus courber l’échine. Les acolytes de Jesse ne tardent pas à pointer leur nez et Walter réussit à les éliminer. Mais comment s’y prendre pour se débarrasser des cadavres ? Voilà nos deux Laurel et Hardy du crime confrontés à l’absurdité de la dure vie de criminels. S’ils ne sont pas doués, Walter et Jesse apprennent vite, même s’ils enchaînent les quiproquos et que tomber de Charybde en Scylla est une expression qui semble avoir été inventée pour eux.
L’origine du mal
Breaking Bad – expression qui désigne un individu en train de mal tourner – est une série joyeusement foutraque qui commence comme une chronique de la vie familiale et professionnelle d’un cinquantenaire mal dans sa peau mais dérape rapidement dans l’humour noir et l’ironie. Walter n’est pas un homme méchant mais, bien qu’un peu dépassé par les événements, il s’endurcit au fil des épisodes. Au moins ne lui marche-t-on plus sur les pieds impunément et, de plus, il gagne beaucoup d’argent. La morale est loin d’être sauve et c’est ce qui fait le sel de cette série atypique portée par un Bryan Cranston génial, à mille lieues de son rôle de père dans Malcolm.

Le reste de la distribution est de tout premier ordre, notamment Bob Odenkirk en avocat véreux, l’iconoclaste Saul Goodman, personnage dont la vie à l’écran devrait se poursuivre dans Better Call Saul, une série prequel de Breaking Bad, et Jonathan Banks, dans le rôle de Mike Ehrmantraut (qui sera aussi de l’aventure Better Call Saul), qui fut l’inénarrable Frank McPike d’Un Flic dans la mafia. Surtout, rendons à Aaron Paul, qui incarne Jesse Pinkman, ce que les récompenses innombrables (et méritées) attribuées à Bryan Cranston ont escamoté, c’est-à-dire son extraordinaire interprétation, toujours juste, d’un jeune type contre qui tout se ligue : ses parents, Walter lui-même qui ne cesse de le rabaisser, ses petites amies avec lesquelles il connaîtra bien des déboires, la police qui ne le lâche pas d’une semelle, ses ennemis qui feront de sa vie un véritable enfer.
Rarement un personnage aura été si violemment accablé physiquement et moralement, ce qui le conduira aux confins de la folie. C’est sans doute pour lui que l’on éprouve le plus de compassion.
Vivre ou survivre
Skyler ignore tout des activités illégales de son mari. Mieux, son propre beau-frère, Hank Schrader, est le flic qui enquête sur l’apparition de cette méth d’une pureté inégalable fabriquée par un certain Heisenberg, l’alter-ego de Walt. Ce mystérieux Heisenberg fait beaucoup parler de lui dans le milieu et devient la cible à abattre. Pour se protéger, subsister, Walt ne recule devant aucun méfait. Quel est cet homme que Walt est devenu et qui lance à sa femme horrifiée : « Je ne suis pas en danger, je suis le danger » ? Réponse : un monstre. La première question, passionnante, qui sous-tend Breaking Bad est celle-ci : l’être humain est-il mauvais par essence ou bien le devient-il sous le joug de l’environnement où il évolue ? Ce qui mène à une deuxième : peut-on réussir dans la vie, se réaliser, sans asservir et détruire autrui ?

Le dérisoire et le tragique
Vince Gilligan, qui a fait ses armes sur X-Files et dont il a écrit les épisodes les plus décalés (notamment Maleeni le prodigieux et Poursuite, un épisode où apparaissait un certain Bryan Cranston), fait de Breaking Bad un objet télévisuel non identifié, étrange, gorgé d’humour noir et d’ironie. Il en faut d’ailleurs beaucoup pour rester attaché à Walt l’implacable qui ne laisse jamais impuni celui qui a osé le défier.

À l’aide de plans de caméra surréalistes comme celui qui filme à hauteur d’aspirateur-robot ou de ces scènes tournées du point de vue exclusif d’une mouche, le téléspectateur pénètre dans l’univers fantasmatique de l’enfant tout-puissant que Walter est resté. Vince Gilligan s’approprie ces artifices de mise en scène (comme la pizza sur le toit) en leur portant un regard moqueur pour mieux souligner que ce qui nous pousse à agir est bien dérisoire mais que les conséquences, elles, sont tragiques.
Christophe Petit
Mise en ligne : mardi 31 décembre 2013 / Révision : jeudi 22 mai 2014
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Comment regarder Breaking Bad ?
Il faut voir les épisodes dans l’ordre.
Y a-t-il une fin ?
Le dernier épisode est une conclusion. Une conclusion éprouvante, certes, mais une conclusion à la hauteur du reste de la série.
Temps forts et temps faibles de la série
La qualité de Breaking Bad est constante. Elle s’articule autour d’un double suspense : Walter sortira-t-il vainqueur de son combat avec des trafiquants beaucoup plus aguerris que lui et réussira-t-il encore longtemps à duper son flic de beau-frère ?
À quel public s’adresse-t-elle ?
Breaking Bad mélange les genres mais on peut avancer sans trop se tromper qu’il s’agit d’une comédie noire. Cependant, comme elle n’abat pas toutes ses cartes d’un coup, le risque est grand de se méprendre et de l’accuser de faire l’apologie de l’impunité, ce qui n’est pas du tout son propos. Son rythme de narration peut être soutenu ou au contraire s’arrêter sur un détail et y consacrer de longues minutes voire un épisode complet. En bref, cette série demande à être apprivoisée et un petit effort d’acclimatation, qui sera largement récompensé, est nécessaire.

Breaking Bad, parce qu’elle ne vous jouera jamais la danse des sept voiles, peut rebuter même les spectateurs qui l’apprécient. Il peut arriver de ne pas avoir envie de regarder un épisode mais de s’y mettre malgré tout et d’être littéralement happé au point que, quand il s’achève dix minutes plus tard (alors qu’il s’en est écoulé 45), on déplore qu’il soit déjà terminé.
Si vous avez aimé, vous pouvez regarder dans le même genre :
Cette série ne ressemble à aucune autre. C’est en outre une pure création télévisuelle qui n’a aucun pendant cinématographique ou livresque.
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Où voir Breaking Bad ?
À la télé : Sur Ocs City – Génération HBO en première fenêtre puis sur Arte en seconde.
DVD : Sont disponibles un coffret DVD et un coffret Blu-ray de l’intégrale moins les huit derniers épisodes qui constituent la deuxième partie de la saison 5. Avant de se lancer dans cet achat, il serait préférable d’attendre la sortie de la vraie intégrale avec la saison 5 complète (soit les 16 épisodes).
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Fiche technique de Breaking Bad (suite)
Producteurs exécutifs : Vince Gilligan, Mark Johnson, Michelle MacLaren
Musique du générique : Dave Porter
Production : High Bridge, Gran Via Productions, Sony Pictures Television, American Movie Classics (AMC).
Distribution
Bryan Cranston : Walter White
Aaron Paul : Jesse Pinkman
Anna Gunn : Skyler White
Dean Norris : Hank Schrader
Betsy Brandt : Marie Schrader
RJ Mitte : Walter White, Jr
Bob Odenkirk : Saul Goodman
Giancarlo Esposito : Gustavo “Gus” Fring
Jonathan Banks : Mike Ehrmantraut
Steven Michael Quezada : Steven Gomez
Carmen Serano : Carmen
Matt L. Jones : Badger
Charles Baker : Skinny Pete
Rodney Rush : Combo
Tess Harper : Mme Pinkman
Michael Bofshever : M. Pinkman
Raymond Cruz : Tuco Salamanca
Julia Minesci : Wendy
Krysten Ritter : Jane Margolis
Christopher Cousins : Ted Beneke
John de Lancie : Donald Margolis
Mark Margolis : Don “Tio” Salamanca
Luis Moncada et Daniel Moncada : Les “Cousins”
Jesse Plemons : Todd
Laura Fraser : Lydia Rodarte-Quayle
Michael Shamus Wiles : George Merkert
Jeremiah Bitsui : Victor
David Costabile : Gale Boetticher
Épisodes de Breaking Bad
Première saison (2008)
1 1.01 Chute libre (Pilot)
2 1.02 Le choix (Cat’s in the Bag…)
3 1.03 Dérapage (… and the Bag’s in the River)
4 1.04 Retour aux sources (Cancer Man)
5 1.05 Vivre ou survivre (Gray Matter)
6 1.06 Bluff (Crazy Handful of Nothin’)
7 1.07 Le fruit défendu ( A-No-Rough-Stuff-Type-Deal)
Deuxième saison (2009)
8 2.01 Traqués (Seven Thirty-Seven)
9 2.02 Chasse à l’homme (Grilled)
10 2.03 Alibi (Bit by a Dead Bee)
11 2.04 Au fond du gouffre (Down)
12 2.05 Nouveau départ (Breakage)
13 2.06 Règlements de comptes (Peekaboo)
14 2.07 Poisson lune (Negro Y Azul)
15 2.08 Appelez donc Saul (Better Call Saul)
16 2.09 Seul au monde (4 Days Out)
17 2.10 Introspection (Over)
18 2.11 Nouvelle donne (Mandala)
19 2.12 Vie et mort (Phoenix)
20 2.13 Effet papillon (ABQ)
Troisième saison (2010)
21 3.01 Crash (No Mas)
22 3.02 Tensions (Caballo Sin Nombre)
23 3.03 Sur le fil (I.F.T.)
24 3.04 Chiens et chats (Green Light)
25 3.05 Retour aux affaires (Mas)
26 3.06 Le camping-car (Sunset)
27 3.07 Vendetta (One Minute)
28 3.08 Prise de pouvoir (I See You)
29 3.09 Kafkaïen (Kafkaesque)
30 3.10 La mouche (Fly)
31 3.11 Société écran (Abiquiu)
32 3.12 Demi-mesures (Half Measures)
33 3.13 Pleine mesure (Full Measure)
Quatrième saison (2011)
34 4.01 Le cutter (Box Cutter)
35 4.02 Snub 38 (Thirty-Eight Snub)
36 4.03 Motivations (Open House)
37 4.04 Les points importants (Bullet Points)
38 4.05 Nouveau job (Shotgun)
39 4.06 Guerre froide (Cornered)
40 4.07 Négociations (Problem Dog )
41 4.08 Frères et partenaires (Hermanos)
42 4.09 Incontrôlables (Bug)
43 4.10 Salud (Salud)
44 4.11 Seul contre tous (Crawl Space)
45 4.12 Échec (End Times)
46 4.13 Mat (Face Off)
Cinquième saison (2012-2013)
47 5.01 Vivre libre ou mourir (Live Free or Die)
48 5.02 Madrigal (Madrigal)
49 5.03 Nouveaux labos (Hazard Pay)
50 5.04 Cinquante et un (Fifty-One)
51 5.05 Un plan presque parfait (Dead Freight)
52 5.06 Divergence (Buyout)
53 5.07 Heisenberg (Say My Name)
54 5.08 Un nouveau jour se lève (Gliding Over All)
55 5.09 Le prix du sang (Blood Money)
56 5.10 Enterré (Buried)
57 5.11 Confessions (Confessions)
58 5.12 Comme un chien enragé (Rabid Dog)
59 5.13 Règlement de comptes à To’hajiilee (To’hajiilee)
60 5.14 Seul au monde (Ozymandias)
61 5.15 L’origine du mal (Granite State)
62 5.16 Revenir et mourir (Felina)