BATES MOTEL : Il n’y a pas de meilleure amie qu’une mère
Classification : 3 étoiles.
Regardé par le rédacteur : Intégrale de la saison 1.
Une maison sinistre en surplomb d’un motel fatigué, un jeune homme qui consacre sa vie à s’occuper de sa vieille mère, une douche, une musique stridente, un couteau, du sang qui s’écoule. C’est Psychose d’Alfred Hitchcock. Bates Motel raconte comment Norman Bates en est arrivé là.
Pourquoi voir avec plaisir Bates Motel ?
Norman et l’hôtellerie
Freddie Highmore interprétait ce petit garçon qui, dans Charlie et la chocolaterie de Tim Burton, trouvait l’un des fameux Tickets d’or qui lui permettait de visiter l’usine de Willy Wonka. Le petit Freddie a bien grandi et il mal tourné. Enfin, pas tout à fait car à l’âge où il incarne Norman Bates, celui-ci n’est pas encore devenu le célèbre tueur de Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock. Dans Bates Motel, Norman n’a que 17 ans et il n’est pas près de rencontrer Marion Crane. Mais en Freddie Highmore, il a trouvé un interprète à la hauteur d’Anthony Perkins (le Norman Bates original) dont il retrouve l’allure et les gestes avec une troublante exactitude. Lui et Vera Farmiga, qui incarne Norma, sont impressionnants de vérité dans les rôles de ce duo mère-fils mythique.
Les lieux du crime
C’est toujours un plaisir pour le spectateur de revenir sur les lieux d’un crime. Se retrouver dans la maison de Psychose procure un délicieux frisson. Cinq films ont suivi celui d’Hitchcock comme autant de pèlerinages. Manquait-il à ce point un début à l’histoire qu’on nous serve Bates Motel en pâture ? Évidemment non. Le film de Sir Alfred se suffisait à lui-même. Mais puisque la série existe, faisons avec, d’autant qu’elle est loin d’être infamante. Logiquement, elle devrait se dérouler à la fin des années 40 mais les showrunners (Kerry Ehrin et Carlton Cuse) ont transposé le récit de nos jours, ce qui donne à la célèbre maison et au motel attenant une intemporalité qui les démarque plus facilement du film. Ils ont aussi décidé que l’action ne se déroulerait plus dans la petite ville très ensoleillée de Fairvale en Californie mais à White Pine Bay, en Oregon, région réputée pour son brouillard et ses pluies abondantes. (Pour la petite histoire, les décors ont été reconstitués à une heure de route de Vancouver. Derrière le motel dont la plupart des chambres ne sont même pas meublées, une haute butte de terre a été aménagée au bulldozer sur laquelle on a reconstruit la maison du film ou plutôt une simple façade dont le toit est ajouté grâce à la magie des effets visuels numériques.) Si le mauvais temps, la brume, l’humidité, et l’étrange atmosphère qui en découle, ont autant d’importance, c’est que Bates Motel a pour modèle Twin Peaks, la série de David Lynch et Mark Frost. « Ils ont fait 30 épisodes, nous allons faire les 70 manquants ! » explique Carlton Cuse.

Norma et Norman emménagent
Voilà donc Norma (ou « Mère ») et Norman prêts à emménager. À la mort du père de Norman, Norma juge qu’il est nécessaire de commencer une nouvelle vie. Pourquoi ne pas tenir un motel ? Justement, celui de White Pine Bay est à vendre suite à une saisie. Norma l’achète et s’installe dans la grande maison qui surplombe le motel. Avec son fils, elle entreprend des travaux de rénovation dans les chambres. Mais un soir, Keith Summers, l’ancien propriétaire, accuse Norma de lui avoir volé son bien. Il la frappe et la viole. Seule l’intervention de Norman sauve sa mère d’une mort certaine. Quand Summers reprend connaissance, Norma le tue avec un couteau de cuisine. Affolés, Norma et Norman effacent les preuves et cachent le corps dans la fameuse douche de la chambre numéro un avant de le jeter dans le marais voisin, celui où Norman, des années plus tard, engloutira la voiture et la dépouille de Marion Crane… D’ici là, Bates Motel va nous conter la vie de Norman, de la fin de son adolescence jusqu’à rattraper le film d’Hitchcock, si les taux d’audience se maintiennent bien entendu.
Norma, Norman, normal
Comment remplir une série, prévue pour durer sept ans, sensée se concentrer sur les rapports entre une mère et son fils ? En les plaçant au cœur des intrigues policières d’une petite ville qui n’a pas attendu leur arrivée pour vivre du vice et du meurtre. La disparition de Keith Summers éveille l’attention de ses redoutables associés et met au jour un trafic abject. Ce n’est pas le seul danger auquel seront confrontés la mère et le fils. Avec le motel, ils semblent avoir acheté un aller simple pour la fatalité. Involontairement confrontés à ces dangers, les personnalités vacillantes de Norma et Norman vont se disloquer un peu plus. Comme le note l’un des personnages, il est curieux que leurs prénoms se ressemblent tant. Il manque deux lettres à « Norma » pour être tout à fait « normale » et une consonne empêche « Norman » de l’être lui aussi. Voilà donc deux êtres jetés dans la fosse aux lions qu’est White Pine Bay sans rien d’autre que leurs cerveaux dérangés pour se défendre. C’est ce qui explique la succession de décisions maladroites que prend Norma face aux événements et ses crises d’hystérie et de jalousie. Quant à Norman, tiraillé entre la belle Bradley, la gentille Emma (dont le père pratique la taxidermie) et son étouffante maman, il emprunte lui aussi des chemins bien tortueux.
Il n’y a pas de meilleure amie qu’une mère
L’arrivée de Dylan Massett, le fils de Norma né d’un premier mariage, bouscule l’équilibre parfait entre Norma et Norman, d’autant plus que le jeune homme comprend très vite ce qui se trame entre eux. Dès lors, il s’engage à protéger Norman de sa folle de mère. Encore faudrait-il que Norman, le bon garçon à sa maman, accepte d’ouvrir les yeux. Les hallucinations dont il souffre, et dont Norma est parfaitement avertie mais dont elle refuse de se préoccuper, n’y sont pas étrangères. Quand, enfin, l’école lui suggère de montrer Norman à un psychologue, celui-ci s’inquiète beaucoup plus des réactions infantiles et protectrices (castratrices ?) de Norma que de celles de Norman. C’est elle qui répond aux questions que le psy adresse à Norman. Après cette première consultation, elle jugera inutile que Norman persévère puisqu’elle seule sait ce qui est bon pour son fils. Des années plus tard (dans le film d’Hitchcock), Norman prononcera sa célèbre phrase : « Il n’y a pas de meilleure amie qu’une mère ».
Christophe Petit
Mise en ligne : samedi 26 avril 2014 / Révision : samedi 26 avril 2014
Bates de scènes
À l’origine, « Psychose » est un roman de Robert Bloch paru en 1959. L’année suivante, Alfred Hitchcock l’adapte pour le cinéma. C’est l’une de ses plus grandes œuvres. À l’époque, les cinémas sont permanents et on peut s’installer dans la salle à n’importe quel moment, sans avoir à attendre la fin d’une séance. Mais quand le film sort, il est précédé d’une annonce qui exhorte les spectateurs à ne pas révéler la fin à ceux qui ne l’ont pas encore vu et les retardataires se voient refuser l’accès à la salle une fois la projection commencée. Hitchcock tenait absolument à ce que les spectateurs s’attachent dès le début à Marion Crane, jeune femme qui vole 40 000 dollars et s’enfuit pour échouer au Bates Motel. « Psychose » est célèbre pour sa scène d’ouverture qui montrait, pour la première fois, deux amants dans le même lit, et pour son coup de théâtre final. Le film est considéré comme un tournant majeur dans l’histoire du film d’horreur car, jusque-là, le meurtrier de ce genre de cinéma était un élément extérieur : un monstre (Frankenstein, le Hyde de Dr Jekyll & Mr Hyde, La momie, L’étrange créature du lac noir), des présences surnaturelles (La nuit de tous les mystères, Le mystère de la maison Norman) ou des créatures venues d’un autre monde (Le jour où la Terre s’arrêta, La guerre des mondes). Jamais on n’avait poussé le spectateur à prendre un meurtrier en sympathie. La « scène de la douche » dans laquelle Marion Crane trouve la mort sous les coups de couteau de Mme Bates sur la musique stridente de Bernard Herrmann est, encore aujourd’hui, dans toutes les mémoires.

Hollywood ne s’est pas gêné pour exploiter le filon « Psychose » mais on ne peut guère lui en vouloir puisque Robert Bloch lui-même a écrit deux suites à son roman (« Psycho II » et « Psycho House : Psycho III ») dont les films « Psychose II », « III » et « IV » ne sont cependant pas les adaptations. « Psychose II » (1983), dans lequel Norman est libéré de l’institution psychiatrique où il a purgé les 23 dernières années, est le plus proche de celui d’Hitchcock, au moins sur le plan de la distribution puisque Anthony Perkins (Norman) et Vera Miles (Lila Loomis, sœur de Marion Crane, qui ne supporte pas l’idée que Norman ait été libéré) y reprennent leur rôle. En 1986, après le succès surprise de « Psychose II », « Psychose III » voit le jour et est réalisé par Anthony Perkins. Norman y est aux prises avec une journaliste qui enquête sur les tueurs en série et un musicien un peu trop fouineur qu’il a engagé pour des petits boulots. Dans « Psychose IV » (1990), réalisé pour la télévision et écrit par Joseph Stefano, le scénariste du film d’Hitchcock, l’action commence dans le studio d’une émission de radio consacrée aux matricides. Norman, qui est désormais marié, appelle la station et, sans mentionner son nom, raconte son adolescence. Il s’agit donc du premier prequel de la saga. Cependant, les trois films développent une relative incohérence. D’après « Psychose IV », c’est le père de Norman qui a construit le motel à côté de la sinistre maison tandis que dans « Psychose », ce sont Norma et son nouveau compagnon qui l’ont bâti. Les scénarios des autres suites cinématographiques et télévisées se contredisent encore plus. Norman déclare être né dans la maison (« Psychose ») alors que, dans la série, Norma achète le motel après la mort du père de Norman (scène qui ouvre la série) afin de commencer une nouvelle vie.
En 1987, un premier « Bates Motel » voit le jour. Il s’agit du pilote d’une série, auquel Anthony Perkins refusa de participer, où, après la mort de Norman, interné en hôpital psychiatrique depuis la fin de « Psychose » (ce qui contredit évidemment « Psychose II », « III » et « IV »), son compagnon de chambrée, Alex (Burt Cord), hérite du motel qu’il entreprend de rénover. Mais d’étranges événements commencent à se produire… Il est heureux que la série n’ait pas vu le jour car ce mélange de mièvrerie et de cadavres est assez indigeste. Burt Cord, pourtant inoubliable dans le rôle d’un adolescent amoureux d’une vieille dame dans le film Harold et Maud en 1971, y est peu crédible.
Dans la saga des Bates, l’objet le plus curieux est le remake de « Psychose » réalisé par Gus Van Sant en 1998. Le cinéaste s’échine à y reproduire scène par scène, plan par plan, le film d’Alfred Hitchcock. Les quelques écarts qu’il se permet consistent à transposer l’action à la fin des années 90 et à moderniser quelques dialogues. Vince Vaughn et Anne Heche donnent une interprétation de Norman Bates et de Marion Crane bien éloignée de celle d’Anthony Perkins et de Janet Leigh. Le résultat n’est ni bon ni mauvais, il est tout simplement inutile. Gus Van Sant, qui a présenté son film comme un exercice de style, prouve au moins qu’une copie parfaite n’est jamais équivalente à l’original et que le génie d’une œuvre ne consiste pas en un empilement de savoir-faire et de méthodes, mais est le fruit d’une alchimie qu’il est impossible de reproduire à l’envi.
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Comment regarder Bates Motel ?
Il faut commencer par le premier épisode, dont on ne manquera pas le tout début : il a une importance capitale.
Y a-t-il une fin ?
Pas encore.
Temps forts et temps faibles
Globalement, Bates Motel est une série palpitante aux rebondissements multiples. Si les intrigues se dispersent quelque peu en milieu de saison, tout finit par converger dans les deux derniers épisodes.
À quel public s’adresse-t-elle ?
Il n’est pas nécessaire de connaître le film d’Alfred Hitchcock pour entrer dans cette série mais l’avoir vu est fortement conseillé dans la mesure où il y est fait souvent référence à travers de nombreux détails (décors, plans, personnages, lieux…).
Si vous avez aimé, vous pouvez regarder dans le même genre : Psychose, film d’Alfred Hitchcock.
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Où voir Bates Motel ?
À la télé : En première fenêtre sur 13ème Rue.
DVD : L’intégralité de la première saison est disponible en DVD.
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Fiche technique de Bates Motel (suite)
Producteurs exécutifs : Carlton Cuse, Kerry Ehrin, Roy Lee, John Powers Middleton, Mark Wolper
Musique du générique : Chris Bacon
Production : Universal Television, The Wolper Organization
Distribution
Vera Farmiga : Norma Louise Bates
Freddie Highmore : Norman Bates
Max Thieriot : Dylan Massett
Olivia Cooke : Emma Decody
Nicola Peltz : Bradley Martin
Nestor Carbonell : Shérif Alex Romero
Mike Vogel : Shérif-adjoint Zack Shelby
Keegan Connor Tracy : Miss Watson
Jenna Romanin : Jenna
Brittney Wilson : Lissa
Diana Bang : Jiao
Jere Burns : Jake Abernathy
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Épisodes de Bates Motel
Première saison (2013)
1 1.01 La veuve noire (First You Dream, Then You Die)
2 1.02 Suspicions (Nice Town You Picked, Norma…)
3 1.03 Sueurs froides (What’s Wrong With Norman)
4 1.04 L’étau se resserre (Trust Me)
5 1.05 Délivrance (Ocean View)
6 1.06 La peur au ventre (The Truth)
7 1.07 L’homme de la chambre 9 (The Man in Number 9)
8 1.08 Un homme et son chien (A Boy and His Dog)
9 1.09 Sous l’eau (Underwater)
10 1.10 Minuit (Midnight)
Deuxième saison (2014)
11 2.01 (Gone But Not Forgotten)
12 2.02 (Shadow of a Doubt)
13 2.03 (Caleb)
14 2.04 (Check-Out)
15 2.05 (The Escape Artist)
16 2.06 (Plunge )
17 2.07 (Presumed Innocent)
18 2.08 (Meltdown)
19 2.09 (The Box)


