ORGUEIL ET PRÉJUGÉS : Une vérité universellement reconnue
Classification : 4 étoiles.
Regardé par le rédacteur : Intégrale.
Elizabeth Bennet et Fitzwilliam Darcy se détestèrent au premier regard. Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Jane Austen décrit la société britannique de la fin du XVIIIe siècle à travers l’histoire de cet apprivoisement réciproque.
Pourquoi regarder absolument
Orgueil et préjugés ?
Encensée dans le monde entier, massacrée en France
Encensée dans le monde entier, sauf en France où il aura fallu attendre dix-sept ans pour la voir, cette adaptation d’Orgueil et préjugés est unanimement reconnue comme étant la meilleure du roman de Jane Austen. Il s’agit d’une histoire d’amour extrêmement simple, que l’on peut résumer en deux phrases, mais d’une complexité et d’une richesse rarement égalées sur le plan de la narration et de la description des relations entre les individus. Les observations de l’auteure britannique sur la nature humaine n’ont à ce jour rien perdu de leur force.

Détestation cordiale
L’histoire commence par l’installation de Charles Bingley au manoir de Netherfield Park. Dans le village voisin de Longbourn, son arrivée suscite la curiosité. Mme Bennet, qui a « cinq filles à marier » (Jane, Elizabeth, Mary, Kitty et Lydia), pense immédiatement à les présenter à ce riche notable. Elizabeth fait la connaissance de Darcy, un ami de Bingley. Entre eux naît instantanément une détestation cordiale.
Elizabeth ne supporte pas le dédain avec lequel l’orgueilleux Darcy les traite, elle et la bourgeoisie locale. Quant à Darcy, il associe à l’air campagnard d’Elizabeth le fait qu’elle soit étouffée par une montagne de préjugés qui la poussent à juger autrui sur des apparences. Mais le naturel et la vivacité d’esprit de la jeune femme l’intriguent. À la faveur de bals, d’événements sociaux, de promenades et de tea-parties, les deux jeunes gens n’en finissent plus de se croiser…
Aristocratie et bourgeoisie
Il serait réducteur de s’arrêter au titre du roman pour en déduire ses thèmes car Jane Austen est beaucoup plus subtile. Dans sa description du fonctionnement de la société de l’époque georgienne (le roman se déroule à la fin du XVIIIe), elle dépeint très précisément les rapports qui liaient l’aristocratie et la bourgeoisie représentée ici par des hobereaux. Le découpage en classes codifiait la société. Un mariage n’était conclu qu’en fonction des bénéfices que l’on pouvait en tirer.

Or, pour Jane Austen, seul le véritable amour permet de dépasser les clivages. Ce qui n’était guère aisé car il y allait de votre réputation, de votre honneur. Il était donc nécessaire de se comporter en tout lieu comme le plus affable des êtres, parfois jusqu’à l’excès. Le personnage de M. Collins, toujours prompt à complimenter, en est la parfaite illustration. À l’opposé, quand Elizabeth se rend à pied et à travers champs chez M. Bingley, et qu’elle arrive crottée, elle provoque un véritable scandale. C’est en effet un intolérable signe de rébellion digne d’un esprit libre qui menace l’ordre établi. Orgueil et préjugés, roman le plus populaire de Jane Austen, dénonce le carcan qu’impose la société à l’individu.
Une vérité universellement reconnue
Cette adaptation de la BBC réalisée en 1995 est considérée comme l’une des réussites majeures de la télévision. Andrew Davies, le scénariste, a su dégager du roman sa modernité, parfois en prenant quelques libertés. Il transplante ainsi la célèbre première phrase du roman (« C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier ») à cinq minutes du début du premier épisode et, surtout, il la place dans la bouche d’Elizabeth, manière judicieuse de nous indiquer que la jeune femme est le porte-parole de Jane Austen. Ce sont ces libertés qui ont ancré profondément et durablement la série dans les esprits, comme cette scène où Darcy se fait surprendre au bord d’un lac par Elizabeth seulement couvert d’une chemise mouillée.

Heureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes
C’est une adaptation joyeuse, vivifiante, ce que souligne d’entrée la mélodie du générique. Elle fit redécouvrir Jane Austen aux ex-petits écoliers britanniques qui en gardaient le souvenir soporifique que laisse toute lecture imposée. Sans doute furent-ils agréablement surpris de la trouver pleine d’humour, notamment en M. Bennet qui assène avec bonhomie les pires horreurs sur ses filles. Elles seraient laides et sottes, ce à quoi elles sourient avec indulgence car elles savent qu’il n’en croit pas un mot.

Mme Bennet, autre personnage comique, est sujette à des colères hystériques tellement surjouées que, une fois encore, elles amènent un sourire sur le visage des jeunes filles amusées. Il n’y a pas une once de méchanceté chez les Bennet, juste un besoin viscéral de se plier aux convenances. En éduquant leurs filles dans la joie et l’allégresse, les époux Bennet leur livrent cette onzième Béatitude trop méconnue : heureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes car ils s’amuseront toute leur vie.
Jennifer Ehle et Colin Firth
Pour camper ces personnages emblématiques que sont les Bennet, Bingley, Collins ou Lady Catherine de Bourgh, la production s’est attaché le concours de la fine fleur des comédiens britanniques : Crispin Bonham-Carter (un cousin éloigné d’Helena), Anna Chancellor (aussi garce que dans MI-5 et Les Flingueuses), Christopher Benjamin ou Julia Sawalha (Saffron dans Absolutely Fabulous). Elizabeth est incarnée par Jennifer Ehle. Elle donne à son personnage l’énergie et la grâce d’une amoureuse de la nature qui ne se départ jamais de son sourire.
Le rôle de Darcy a valu à Colin Firth, dont c’était le premier grand rôle, une telle renommée que de nombreux films dans lesquels il apparaît font explicitement référence à Orgueil et préjugés. En tête de liste figure Le Journal de Bridget Jones, librement inspiré du roman de Jane Austen, dans lequel il incarne un certain Mark Darcy. Dans St Trinian’s : Pensionnat pour jeunes filles rebelles, il apparaît la chemise complètement trempée dans ce qui rappelle la scène emblématique de la minisérie.
Le visage de la télévision britannique modifié
On n’imagine pas à quel point cette version a modifié le visage de la télévision britannique. Même s’il ne s’agissait pas de la première adaptation de l’œuvre pour le petit écran, la télé anglaise avait coutume de mettre en scène les classiques de la littérature en recourant aux tournages en vidéo dans des décors reconstitués en studios. Cette fois, un budget plus confortable fut alloué et permit de tourner dans des manoirs somptueux et en extérieurs, avec des costumes spécialement dessinés pour l’occasion. Le soin et la qualité payèrent. L’essai fut donc transformé en règle.
Orgueil et préjugés, toujours
Le succès public et critique fut instantané non seulement en Grande-Bretagne mais aussi aux États-Unis et dans le monde entier. Sauf en France. Cette faculté de notre télévision à passer à côté de chefs d’œuvre télévisuels est tout de même curieuse. On la doit certainement à quelque fonctionnaire passé par l’ENA qui, sans doute pour se prouver qu’il détient un immense pouvoir, décrète que « ça n’intéresse pas les Français ». Et à une critique, qui a massacré la série lors de sa première diffusion en 2012 sur Arte, qui s’évertue sans relâche à juger la télévision avec beaucoup d’orgueil et une infinité de préjugés.
Christophe Petit
Mise en ligne : dimanche 8 juin 2014 / Révision : mercredi 18 juin 2014
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Comment regarder Orgueil et préjugés ?
Les six épisodes sont à voir dans l’ordre.
Y a-t-il une fin ?
Oui.

À quel public s’adresse-t-elle ?
Aux fidèles de Jane Austen qui, s’ils ne l’ont pas encore vue, seront surpris de la qualité de cette adaptation mais aussi à ceux qui ne connaissent pas les romans de Jane Austen et qui devraient être convaincus d’ouvrir ses livres après avoir vu cette minisérie.
Si vous avez aimé, vous pouvez regarder dans le même genre : Raison et sentiments, minisérie en 3 épisodes, adapté d’un autre roman de Jane Austen et Orgueil et quiproquos, minisérie en 4 épisodes où une lectrice du XXIe siècle se trouve propulsée dans Orgueil et préjugés (le roman) et en modifie l’histoire.
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Où voir Orgueil et préjugés ?
À la télé : À partir du samedi 14 juin 2014 à 20h45 sur Chérie 25.
DVD : L’intégralité est disponible en DVD.
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Fiche technique de Orgueil et préjugés (suite)
Producteur exécutif : Michael Wearing
Productrice : Sue Birtwistle
Musique : Carl Davis
Production : BBC, A&E Network
Distribution
Colin Firth : Fitzwilliam Darcy
Jennifer Ehle : Elizabeth Bennet
Crispin Bonham-Carter : Charles Bingley
Anna Chancellor : Miss Bingley
Susannah Harker : Jane Bennet
Julia Sawalha : Lydia Bennet
Alison Steadman : Mme Bennet
Benjamin Whitrow : M. Bennet
Polly Maberly : Kitty Bennet
Lucy Briers : Mary Bennet
Lucy Robinson : Mme Hurst
Adrian Lukis : George Wickham
David Bamber : William Collins
Lucy Scott : Charlotte Lucas
Marlene Sidaway : Hill
Barbara Leigh-Hunt : Lady Catherine de Bourgh
Tim Wylton : M. Gardiner
Rupert Vansittart : M. Hurst
Joanna David : Mme Gardiner
Nadia Chambers : Miss Anne de Bourgh
David Bark-Jones : Lt Denny
Lynn Farleigh : Mme Phillips
Lucy Davis : Maria Lucas
Emilia Fox : Georgiana Darcy
Christopher Benjamin : Sir William Lucas
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Épisodes de Orgueil et préjugés
Unique saison (1995)
1 1.01 Épisode 1 (Episode 1)
2 1.02 Épisode 2 (Episode 2)
3 1.03 Épisode 3 (Episode 3)
4 1.04 Épisode 4 (Episode 4)
5 1.05 Épisode 5 (Episode 5)
6 1.06 Épisode 6 (Episode 6)